Légende des ponts maudits de The Narrows
Cratère laissé par l’explosion d’Halifax?
Le mythe le plus persistant et le mieux connu concernant le port d’Halifax est peut‑être l’idée qu’il existe un tunnel sous le port d’Halifax et que celui‑ci relie la Citadelle à l’île George – deux des principales premières fortifications britanniques du port.
Ces deux collines appelées drumlins (monticules de gravier, de sable, de limon et d’argile déposés par les glaciers) sont les lieux d’anciens forts militaires qui ont été facilement creusés dans le matériau meuble. Cette histoire est continuellement alimentée chaque fois que des travaux sont effectués sur les rues du centre‑ville pour remplacer ou réparer des conduites d’eau et d’égout. À de nombreuses occasions, ces travaux d’excavation des rues ont donné lieu à l’ouverture de chambres et de tunnels qui sont doublés de briques et dont certains sont suffisamment grands pour que l’on puisse y marcher. Certains d’entre eux se dirigent vers le port entre l’île George et la Citadelle.
Au cours de l’étude géologique du port, on a utilisé des systèmes de réflexion sismique pour examiner la zone située en‑dessous du fond du port afin de comprendre les sédiments et le substratum. Ces systèmes font appel aux sons pour pénétrer le fond et produire des images montrant les couches de sédiments et de roches. Des levers ont été effectués entre l’île George et le rivage d’Halifax, et les images ainsi obtenues n’ont fourni aucune indication de la présence de tunnels ni de la présence de tunnels inondés. On a procédé à des levers dans d’autres villes comportant des tunnels et ceux‑ci apparaissent clairement sur les images. Il ne semble donc pas y avoir de tunnel reliant l’île George à la Citadelle sous le port.
Légende des ponts maudits de The Narrows
Selon une légende ancienne, une malédiction a été proférée contre la zone de The Narrows d’Halifax et celle‑ci provoquera la chute de trois ponts dans ces eaux. Cette malédiction aurait été prononcée par un Indien qui désirait venger la mort de sa petite amie. Des archives indiquent qu’en fait, deux ponts ont déjà enjambé le passage, mais qu’ils sont tous deux disparus dans des circonstances étranges. Le pont MacKay, le troisième pont qui a été construit, pourra‑t‑il échapper à la malédiction? À l’aide de sonars à balayage latéral et de la bathymétrie multifaisceaux, des scientifiques ont élucidé le mystère entourant les raisons pour lesquelles ces deux ponts, dont l’un a été construit en 1884 et l’autre en 1893, se sont effondrés, ainsi que la raison expliquant pourquoi le pont MacKay échappera probablement à cette malédiction.
Un motif inhabituel composé de gros objets rectangulaires qui s’étendent d’un bord à l’autre de The Narrows a été découvert lors des travaux de cartographie du fond marin en 1989. Une visite auprès du Service des archives et de la gestion des dossiers de la Nouvelle‑Écosse a révélé que l’on avait découvert les vestiges, non pas d’un seul pont, mais de deux ponts qui traversaient initialement le port.
Les deux ponts ont été construits au même endroit, approximativement à 500 mètres au sud de l’endroit où se trouve actuellement le pont A. Murray Mackay. Des études ultérieures menées au moyen de caméras, d’appareils de prélèvement et de systèmes de cartographie bathymétrique multifaisceaux ont révélé des détails des vestiges des ponts mais surtout, ont permis d’expliquer pourquoi les deux ponts se sont effondrés.
La construction du premier pont a pris fin en mai 1884 et celui‑ci comportait une section pivotante en acier fabriquée par la Starr Manufacturing Company de Dartmouth, qui était située près du rivage de Dartmouth et était conçue pour s’ouvrir et permettre aux navires d’entrer dans le bassin de Bedford. Le pont mesurait plus d’un quart de mille de longueur et jusqu’à 40 pieds de largeur. Il a été construit principalement comme pont ferroviaire mais comportait une allée de piétons le long des rails; en moyenne, 125 wagons de train l’empruntaient quotidiennement.
Le pont avait été construit sur des quais en bois et la base de chacun de ceux‑ci contenait 20 tonnes de ballast de pierres concassées. Il s’agit des éléments rectangulaires apparaissant sur les images obtenues au moyen de sonars à balayage latéral. Le 7 septembre 1891, un ouragan dont les vents ont atteint jusqu’à 70 milles à l’heure selon les informations signalées a frappé le port d’Halifax. L’ouragan a considérablement endommagé les quais du port et une grande partie du pont s’est effondrée pendant la nuit. Toute la partie située à partir de 200 pieds sur le côté d’Halifax et s’étendant jusqu’à la section pivotante près de Dartmouth a été emportée par les eaux.
À la suite de longues délibérations, on a construit un deuxième pont au même endroit, mais cette fois-ci, on a planté des pieux dans le fond marin de The Narrows aux fins de soutien. Ce pont semblait instable une fois achevé, et des blocs de granit ont été placés sur le fond marin à côté du pont puis ont été reliés au moyen de câbles pour le rendre plus stable. En dépit de ces efforts, le deuxième pont est parti à la dérive le 6 juillet 1893 après avoir été essentiellement soulevé de ses fondations par une forte marée, par un tranquille soir d’été.
Des levers réalisés au moyen de caméras et de la bathymétrie multifaisceaux montrent qu’une bonne partie des caissons à claire‑voie du premier pont demeurent intacts et s’élèvent de plusieurs mètres sur le fond. La carte bathymétrique multifaisceaux montre les caissons à claire‑voie ainsi que la base circulaire de la section pivotante du quai sur le fond marin. Une bonne part des caissons à claire‑voie et des rails est recouverte d’anémones de mer qui sont nourries par les eaux rapides riches en éléments nutritifs de The Narrows. Le fond marin se compose de gravier et de blocs et est débarrassé des sédiments vaseux par de forts courants de marée. Les conditions géologiques difficiles du fond marin ainsi que les forts courants fournissent la réponse à la question à savoir pourquoi les ponts se sont effondrés. L’ouragan qui a entraîné l’effondrement du pont original l’a détaché de sa base composée de caissons à claire‑voie. Le deuxième désastre est probablement attribuable au fait que les pieux n’avaient pas été enfoncés de façon appropriée dans le fond marin dur. Le pont A. Murray McKay actuel est construit sur du substratum solide.
Cratère laissé par l’explosion d’Halifax?
Selon un autre des mythes concernant le port d’Halifax, l’explosion d’Halifax de 1917 a créé un vaste cratère au fond du port. Dans son livre publié en 1941, intitulé Barometer Rising, l’auteur Hugh MacLennan a écrit : [Traduction] « Sous la quille du Mont Blanc, les eaux se sont ouvertes et le fond du port s’est abaissé de vingt pieds le long du chenal de The Narrows; la base rigide de roche ferrugineuse et de granit de la péninsule d’Halifax a été ébranlée et a résonné, les chaussées se sont fissurées et les maisons se sont balancées lorsque la terre a tremblé. » Mais cela est‑il vrai?
L’explosion de 1917 est survenue sur le côté d’Halifax de The Narrows dans le port d’Halifax, au moment où, à la suite d’une collision avec le navire Imo, la cargaison se trouvant à bord du ravitailleur en munitions Mont Blanc a subi la plus grande explosion non naturelle jamais survenue avant la détonation des bombes atomiques. Les levés géologiques et géophysiques du milieu marin montrent que le fond marin de The Narrows est différent de celui de la plupart des autres zones de l’arrière‑port. Il est composé de gravier de la grosseur de galets et de blocs, et d’un affleurement de substratum. Les courants sont suffisamment forts pour empêcher le dépôt de quantités considérables de sédiments fins. Sous le gravier, la matière se compose de till exceptionnellement dur déposé par des glaciers qui ont probablement occupé le port à de nombreuses reprises au cours de l’ère quaternaire.
Une interprétation de toutes les données issues de levés indique que l’explosion n’a pas laissé de cratère. En outre, le fond marin ne comporte aucun des gros débris que l’on pourrait s’attendre à retrouver à la suite de la destruction d’un gros navire comme le Mont Blanc. On soupçonne que les programmes de dégagement et de dragage mis à exécution à la suite de l’explosion ont peut‑être éliminé les débris. Le fond marin de The Narrows porte de nombreuses petites cibles de sonar à balayage latéral et il se peut que certaines d’entre elles soient des débris de l’explosion de 1917, mais elles nécessitent une identification visuelle.
L’énergie dégagée par l’explosion survenue à bord du Mont Blanc a probablement été dirigée vers l’extérieur et à la verticale en raison de la dureté du fond marin. L’impact minimal sur le fond marin sur le lieu de l’explosion dans le port d’Halifax fait contraste à l’impact des essais nucléaires réalisés sur l’atoll Enewetak, aux îles Marshall, qui ont provoqué la formation de cratères atteignant jusqu’à 60 m de profondeur et 1 200 m de diamètre.
Récemment, au cours de levers effectués par le MDN dans The Narrows près du lieu de l’explosion d’Halifax, on a découvert une nouvelle épave, un schooner gainé de cuivre. Les recherches sur cette épave se poursuivent et on croit qu’elle a sombré lors de l’explosion d’Halifax, ce qui ajoute un nouveau chapitre à cette histoire 90 ans plus tard.