Dragage et exploitation minière des fonds marins
Bancs d’emprunt et exploitation minière des fonds marins
Le fond marin du port d’Halifax renferme un vaste éventail d’éléments anthropiques (d’origine humaine) et de matières de source anthropique. Ceux‑ci sont le plus densément répartis et le plus variés dans l’arrière‑port et dans le bassin de Bedford. Ils comprennent des marques d’ancre, des dépressions affouillées, des rejets de drague, des bancs d’emprunt, des épaves, des éléments liés à des navires, des marques de plate‑forme de forage pétrolier, des zones draguées et dynamitées, des vestiges de ponts, des marques de filets anti‑sous‑marins, des câbles, des pipelines, des marques laissées par des chaluts, des bancs d’eaux usées, et des débris non identifiés. Les débris de taille inférieure comprennent des bouteilles, des canettes, des pneus, des barils, des objets métalliques, du papier, du bois d’œuvre, et du plastique. Suit une description de certains des éléments et des attributs anthropiques du fond marin du port.
À la suite de la fondation d’Halifax par les Britanniques en 1749, une nouvelle phase de modification du fond marin du port et de la côte s’est amorcée, résultant en grande partie des activités humaines axées sur le défrichement, l’élimination des déchets et le transport maritime. Les premières activités étaient liées au mouillage de navires dans le port qui a produit des motifs distinctifs de marques d’ancre sur le fond marin et a érodé les sédiments. Cette activité se poursuit aujourd’hui d’une façon plus intense, car on utilise des ancres beaucoup plus grosses et de plus gros navires. Elle comprend également le déplacement et la remise en suspension des sédiments par les hélices. Les premiers navires rejetaient régulièrement du mâchefer, du charbon non brûlé, et d’autres débris mixtes sur le fond marin, et déversaient des eaux d’égout brutes. Certains de ces navires ont aussi sombré à la suite de tempêtes, de collisions et d’incendies, et plus de 45 navires ou parties de navires ont été identifiés sur le fond marin. Il se peut que d’autres embarcations de moindre envergure soient ensevelies sous la vase (argile La Hève).
Les colons de la première heure ont construit des installations d’accostage et ont entrepris le processus de remplissage de zones du secteur riverain en vue de diverses activités de transport maritime, de construction et industrielles. Ces travaux se sont poursuivis jusqu’à ce jour avec la construction de quais à conteneurs, d’ensembles résidentiels, et d’installations riveraines commerciales et touristiques. Un brise-lame de grande envergure a été construit peu de temps après 1913 dans le sud d’Halifax et celui‑ci a réduit du quart la largeur du principal chenal menant à l’arrière‑port. Il a été construit sur une étroite corniche de substratum anciennement appelée « Reed Rock » et constituait une zone abritée pour le bassin d’amarrage du Royal Nova Scotia Yacht Squadron. Il est possible que les dépressions affouillées présentes dans l’argile La Hève au large du brise‑lame se soient formées ou se soient agrandies à la suite de ce processus de resserrement du port et de l’augmentation de la force du courant.
D’importants projets d’ingénierie récents, tels que la construction des deux ponts enjambant The Narrows, et des terminaux à conteneurs, ont entraîné le remplissage de vastes zones du port et modifié les conditions qui influent sur le dépôt actuel et futur de sédiments. L’explosion d’Halifax de 1917, la plus forte explosion d’origine humaine au monde avant la bombe atomique, s’est produite dans The Narrows. Elle a seulement modifié le fond marin de façon mineure. La majorité des dégâts sont survenus sur terre, et le fond marin a été modifié davantage par les efforts de dragage qui ont été déployés à la suite de l’explosion pour retirer les débris ainsi que les restes des quais 6 et 7 afin d’assurer la sécurité de la navigation et la construction d’éventuelles installations de construction et de réparation de navires.
Les rejets de drague sont des dépôts de matières rejetés sur le fond marin par des barges. Ils sont constitués d’un vaste éventail de matériaux tels que des sédiments, des sédiments contaminés, des débris de construction, des matériaux d’arrimage, du gravier, des blocs, des déchets, et des débris non identifiés. Les rejets de drague atteignent jusqu’à 40 mètres de diamètre et sont généralement de forme circulaire. Les rejets de drague situés à l’entrée de la baie Northwest Arm ont aussi été rejetés sur de l’argile La Hève (vase), ce qui a eu pour effet de la comprimer et de la déplacer et de former des dépressions ressemblant à des dépressions coniques (cratères d’échappement de gaz). Dans certaines zones, ces rejets de drague ont entraîné le dégazage des sédiments imprégnés de gaz directement sous les rejets.
La plus grande quantité de rejets de drague recensée se trouve dans le bassin de Bedford, où l’on en a repéré approximativement 200 qui recouvrent environ 5 % du fond du bassin profond. Ils se présentent aussi sous forme d’éléments positifs dans plusieurs endroits de The Narrows et sont dispersés sur le fond marin d’autres zones de l’arrière‑port. On en retrouve très peu dans l’avant‑port. La pratique consistant à immerger les rejets de drague dans le port a été largement abandonnée.
Dragage et exploitation minière des fonds marins
De nombreuses zones du fond du port ont été draguées afin d’approfondir les eaux pour le passage de gros navires. Un drumlin (banc Little Georges) adjacent au port militaire à Halifax a été dragué au moyen d’une benne preneuse. Des observations menées à l’aide d’un véhicule téléguidé, ainsi que des sonogrammes, et des levés bathymétriques multifaisceaux du drumlin montrent un relief accidenté de 2 mètres sur du till composé d’un mélange de gravier, de sable, de limon, et d’argile. Des blocs sont répandus et il n’y a pas de croissance organique ni d’organismes benthiques sur ce drumlin dragué, le « banc Little Georges ».
Des travaux de dragage pour remplissage ont eu lieu dans la baie de Bedford à l’embouchure de la rivière Sackville. Les matériaux ainsi obtenus ont été acheminés par pompage au moyen de pipelines sous forme de boue composée d’eau et de sédiments jusqu’à une vaste zone de restauration des sols dans l’ouest de la baie de Bedford, où l’on a construit un ensemble résidentiel moderne. On a procédé à des travaux de dragage à grande échelle dans la zone adjacente à l’ancien quai de la raffinerie de Texaco Canada dans le chenal Eastern Passage.
Une zone du fond marin adjacente au quai 9 dans The Narrows a fait l’objet de dynamitage visant à en accroître la profondeur. À cet endroit, les sonogrammes et les données de réflexion sismique indiquent que la zone peu profonde est un affleurement de substratum d’ardoise de la Formation d’Halifax.
La zone de The Narrows est la moins profonde du fond marin dur dans le port et il pourrait être nécessaire de la draguer dans l’avenir pour permettre le passage de la prochaine génération (post-Panamax) de plus gros navires porte‑conteneurs afin d’utiliser les terminaux du bassin de Bedford. Le fond marin comporte un grand nombre de gros blocs et il pourrait être nécessaire de retirer une certaine partie des vestiges des caissons à claire‑voie des premiers ponts qui traversaient The Narrows pour assurer le passage sécuritaire des navires. Il est courant de procéder au dragage dans les gros ports faisant l’objet de travaux d’entretien et d’agrandissement, et cette activité se poursuivra probablement dans le port d’Halifax.
Bancs d’emprunt et exploitation minière des fonds marins
L’exploitation de l’or placérien a été l’un des premiers projets dans le port d’Halifax. On en a recueilli une petite quantité. Les agrégats (sable et gravier) font partie des matériaux les plus importants qui sont extraits de la mer. Les bancs d’emprunt sont des dépressions circulaires ou linéaires du fond marin qui sont formées par le retrait des agrégats effectué au moyen de techniques de dragage. La plus vaste zone de bancs d’emprunt est constituée d’un groupement dense situé directement au nord de l’île McNabs et à l’est d’Ives Knoll. Les bancs ont un diamètre moyen de 15 mètres et mesurent jusqu’à 3 mètres de profondeur.
On retrouve une série de bancs de grande dimension, linéaires et oblongs dans la zone littorale au large de l’est de l’île McNabs. Ils mesurent jusqu’à 300 mètres de longueur, 50 mètres de largeur et 5 mètres de profondeur. On a extrait de grandes quantités de matériaux de ces bancs au cours des années 1950 et 1960 afin de fournir des agrégats aux fins de construction. Ils ne semblent pas être remplis de sédiments fins, ce qui confirme les faibles taux de sédimentation relevés sur les flancs de l’île McNabs dans le chenal Eastern Passage depuis leur formation.
Les marques laissées sur le fond marin par l’ancrage de navires sont répandues, en particulier dans le bassin de Bedford et l’arrière‑port. Elles provoquent une rugosité à petite échelle sur les sédiments jusqu’à 2 mètres de profondeur.
Les levés de sonars à balayage latéral fournissent les renseignements les plus détaillés sur la nature et la répartition des marques d’ancre. Seulement une partie des plus grosses marques d’ancre est décelable au moyen de l’imagerie bathymétrique multifaisceaux. Un des aspects les plus importants des marques d’ancre est que l’ancrage déplace et retourne les sédiments. En anglais, il a été proposé d’utiliser le terme « anchorturbation » pour désigner ce processus.
Les marques d’ancre sont classées en fonction de trois principaux types : fosses d’ancrage, traînées d’ancre, et marques de chaîne d’ancre. Les marques de chaîne d’ancre sont subdivisées en marques de maillons de chaîne d’ancre.
Les marques d’ancre sont présentes à diverses profondeurs et ont des tailles et des formes variées. Les plus grandes mesurent jusqu’à 2 mètres de profondeur et 5 mètres de largeur. Les marques d’ancre laissées sur le fond marin dur graveleux sont habituellement peu profondes, mesurant le plus souvent moins d’un mètre de profondeur, mais elles sont clairement définies en raison de la présence de blocs parmi leurs bermes. Certaines ont été repérées sur plus de 3 km le long du fond marin du port. Un grand nombre des gros quais du port présentent des motifs rayonnants de marques d’ancre, ce qui indique que l’on utilise des ancres pour faciliter l’accostage des navires.
La plupart des marques d’ancre se trouvent sur des sédiments d’argile La Hève (vase), car l’ancrage ainsi que le dépôt de sédiments ont habituellement lieu dans les zones les plus profondes du port. Dans l’arrière‑port, les marques d’ancre les plus densément réparties se trouvent dans la grande région au nord, à l’est et au sud‑est de l’île George. Il s’agit de la zone du port où les zones de mouillage officielles sont situées. Dans le bassin de Bedford, plus de 80 % du fond marin vaseux est sillonné de marques d’ancre. Les marques les plus densément réparties se trouvent dans la zone centrale des eaux profondes, où les eaux atteignent généralement une profondeur de plus de 50 mètres.
Certaines des marques d’ancre sont très anciennes. Selon les interprétations, celles relevées dans le bassin de Bedford se sont en grande partie formées au cours des Première et Deuxième Guerres mondiales lorsque de long convois de navires militaires et marchands se sont rassemblés et ont jeté l’ancre dans de vastes zones du bassin, avant de traverser l’océan Atlantique Nord à destination de l’Europe.
La présence de câbles sur le fond marin du port d’Halifax est courante. Ils apparaissent très bien sur les levés de sonar à balayage latéral sous forme d’éléments étroits linéaires. Au début des télécommunications sous‑marines, un grand nombre de câbles s’étendaient du port d’Halifax jusqu’à des points situés en Europe. Les premières cartes du port indiquent la présence de jusqu’à 30 câbles sur le fond. Aujourd’hui, la plupart de ces câbles sont abandonnés.
Un autre ensemble de câbles installés sur le fond marin était utilisé par l’armée. Au cours des guerres, des rouleaux de fil métallique étaient utilisés aux fins de détection magnétique des navires et des sous‑marins ennemis, et des engins explosifs étaient mis en place sur le fond marin et étaient branchés à des câbles supplémentaires aux fins de détonation. Certains des câbles se trouvent en outre toujours sur le fond marin de l’avant‑port. Les câbles se trouvant dans l’avant‑port peuvent servir de point de référence pour comprendre le transport des sédiments. Des sonogrammes montrent des câbles ensevelis dans certains endroits sous des formes de relief de sable, indiquant la mobilité des sédiments.
Des câbles modernes de télécommunication et de transmission électrique traversent le port et relient les îles George, Devils, et McNabs au continent. D’autres câbles installés sur le fond marin du port servent à des applications militaires pour des installations acoustiques, magnétiques, et de démagnétisation.
Les Première et Deuxième Guerres mondiales et les activités militaires qui y étaient liées ont eu une grande incidence sur le fond marin du port. Des convois de navires se rassemblaient dans le port et le bassin de Bedford avant de partir à destination de l’Europe. Ces navires mouillaient dans de vastes zones, érodant et mélangeant les sédiments en plus de rejeter des matériaux sur le fond marin, et leurs empreintes sont toujours présentes à ce jour. Des dispositifs de détection et de destruction de sous‑marins étaient installés dans l’avant‑port et étaient reliés à des câbles de transmission électrique, dont certains sont toujours présents sur le fond marin. Des filets anti‑sous‑marins étaient tendus dans certaines zones du port afin de contrôler le passage des sous‑marins. Des vestiges de ces structures sont toujours présents sur le fond du port. À titre de repères chronologiques, ils aident à comprendre les processus d’érosion et de dépôt. Les activités militaires exécutées récemment comprennent la mise en place de capteurs acoustiques et magnétiques sur le fond marin.
Filets anti‑sous‑marins
Deux dépressions linéaires parallèles se trouvent dans l’avant‑port et s’étendent entre Sandwich Point et Maugher Beach. Selon les interprétations, elles se sont formées sous des filets anti‑sous‑marins qui traversaient le port à cet endroit au cours de la Deuxième Guerre mondiale. L’affouillement du fond marin autour de la base des filets est interprété comme le mécanisme responsable de la formation de ces dépressions.
On retrouve également au même endroit une série de dépressions affouillées plus profondes situées à angle droit par rapport aux marques de filets anti‑sous‑marins. Des levés de sonar à balayage latéral montrent de gros blocs de béton carrés sur le fond marin, et des dépressions affouillées d’une profondeur de plusieurs mètres entre les blocs. La dépression affouillée entourant les blocs se présente sous la forme d’une flèche qui pointe vers le sud. L’érosion est concentrée uniquement autour des blocs, et la forme des dépressions indique que les courants qui les façonnent proviennent du sud.
Fosses de détonation
Un motif linéaire de dépressions isolées se trouve dans la zone centrale et du nord‑ouest de Roach Cove, bassin de Bedford. On trouve un autre groupement de dépressions qui se chevauchent dans la zone est de Roach Cove. Ces éléments sont formés dans de l’argile La Hève et sont interprétés comme des fosses d’explosion créées par des essais de détonation de munitions explosives réalisés par l’armée.
Dépression Trongate
L’un des éléments les plus inhabituels et les plus difficiles à interpréter se trouvant sur le fond marin du port d’Halifax est un élément appelé « dépression Trongate ». Il s’agit d’une dépression linéaire d’une longueur de 125 mètres, dont une extrémité est plus profonde que l’autre, entourée de bermes de vase. La plus grosse berme dépasse de 2 m le fond marin avoisinant. L’élément a été formé par le naufrage du S.S. Trongate, un navire marchand norvégien de 7000 t qui a été coulé volontairement en 1942 parce qu’un incendie s’est déclaré à bord alors qu’il transportait une cargaison explosive. Il a été renfloué plus tard, mais l’empreinte laissée par la coque dans la vase demeure présente car la pression du navire a fait remonter la vase au point d’ancrage numéro 4, au nord de l’île George.
Des observations réalisées au moyen d’un VTG (véhicule téléguidé) révèlent la présence de rouleaux de papier journal, de planches de bois, de bottes, et d’une grande quantité de débris à cet endroit. En 1993, une importante cache de munitions explosives non explosées, qui comprenait des obus amorcés de 4 pouces, des caisses de munitions de fusils de calibre .303, ainsi que de la cordite (un explosif), a été retrouvée sur les lieux de la « dépression Trongate ». En raison de la présence de cette pile de munitions explosives non explosées, il est désormais interdit de mouiller l’ancre à cet endroit.
Un groupe d’approximativement vingt‑cinq automobiles Volvo de 1969 a été retrouvé sur le fond marin du bassin de Bedford à une profondeur de 60 mètres. Elles ont été jetées sur le fond marin parce qu’elles avaient subi de graves dégâts causés par l’eau pendant la traversée de l’océan Atlantique à bord d’un navire à conteneurs. Elles constituent d’excellentes cibles sur le fond marin pour les essais de matériel comme les sonars à balayage latéral et les appareils bathymétriques multifaisceaux. On a retrouvé d’autres automobiles sur le fond marin du port dans la zone adjacente aux quais du centre‑ville et on soupçonne qu’elles ont été jetées sur le fond marin de façon délibérée.